Juncker se défend sur LuxLeaks : « Nous n’avions pas le choix, il fallait diversifier notre économie »
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Propos recueillis par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Un mois après son entrée en fonctions, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déjà affronté une motion de censure – à la suite des révélations Luxleaks − fait une des annonces les plus importantes de sa mandature (le plan d'investissement sur trois ans à 315 milliards d'euros) et dû prendre des décisions difficiles concernant les projets de budgets 2015 – notamment donner un délai supplémentaire à Paris et à Rome pour laisser aux gouvernements le temps de mettre en place les réformes engagées. Rencontré cette semaine à Strasbourg, en marge de la plénière du Parlement européen, M. Juncker revient sur sa méthode.
La Commission a annoncé, vendredi 28 novembre, qu’elle donne jusqu’au printemps prochain à la France pour mettre en œuvre ses réformes avant d’envisager des mesures correctives sur son budget 2015. Idem pour l’Italie.
Pourquoi ces pays ne sont-ils pas sanctionnés tout de suite alors
qu’ils ne sont clairement pas dans les clous du pacte de stabilité et de
croissance?
J'ai fait le choix de ne pas sanctionner.
Cela aurait été facile : on a des règles, on les applique et s' il y a
une violation des règles, on impose une sanction. J'ai fait un autre
choix en accord avec le vice-président de la Commission, Valdis
Dombrovskis [chargé de l’euro], et le commissaire Pierre Moscovisci [au portefeuille de l’économie]. Celui de laisser les gouvernements s’expliquer eux-mêmes.Notre avis sur leur situation budgétaire n’est pas franchement amical. Notre décision finale est décalée à mars-avril 2015. Nous attendons l'exécution définitive des comptes publics. Nous aurons alors les prévisions du dernier trimestre 2014, en plus des prévisions d'automne pour émettre un jugement adéquat.
Vous verrez que dans les mois qui viennent la France et l'Italie prendront un nombre important de mesures. Il ne s'agit pas seulement de promesses. J'ai insisté dans mes conversations avec les dirigeants − j'en ai eu plusieurs ces six dernières semaines avec le président François Hollande et Matteo Renzi − afin d’avoir un calendrier clair sur la politique qu'ils ont l'intention de mener : quand les réformes seront présentées en conseil des ministres, quand les parlements seront supposés les adopter.
La Commission a t-elle changé ? Accorde-t-elle plus de confiance aux pays?
Je n'ai pas indiqué à la France, la Belgique ou l'Allemagne, ce qu'ils ont à faire. C'est à eux de me le dire, de prendre l'initiative. Les pays n'aiment pas cette leçon qui leur vient de Bruxelles. C'est une manière plus respectueuse d'agir avec eux. Quand vous êtes président de la Commission ou du conseil européen, vous devez être à l’écoute, comprendre ce qu'il se passe dans les pays, avoir une idée claire de la réaction possible des parlements nationaux et des conséquences sur les opinions publiques nationales.
Votre plan d’investissement européen à 315 milliards d’euros, annoncé mercredi, est censé être
l’un des trois piliers de votre politique, avec les réformes
structurelles et la discipline budgétaire. N’êtes-vous pas déçu que les
Etats n’aient pas contribué [l’argent devrait venir essentiellement du privé]?
On ne peut pas dépenser l'argent qu'on n'a pas. On a pris celui qui était disponible [des
garanties du budget européen, à hauteur de 16 milliards d’euros, et un
apport de 5 milliards de la Banque européenne d’investissement]. Si
j’avais demandé plus d’argent du budget de l’Union, au-delà des marges
et des plafonds connus, j’aurais eu besoin de l’unanimité au conseil
européen [les Etats]. Si j'avais demandé de l'argent hors des budgets, par exemple dans le Mécanisme européen de stabilité [mis en place pour sauver des Etats en faillite], il aurait fallu changer les traités. Il était important de commencer aussi vite que possible, je ne voulais pas perdre mon temps et mon énergie à négocier avec des ministres des finances et des premiers ministres.Il y a de bonnes raisons économiques pour expliquer le manque d'investissement en Europe. Mais il y a aussi l'atmosphère dont nous devons tenir compte. Si nous parlons constamment de déficits, de dettes, de risque de sanctions, c'est un véritable poison pour les opinions publiques. J'ai décidé de lancer le plan d'investissement aussi pour cela, pour changer la manière dont on parle de l'Europe.
La confiance dans la Commission est aussi un élément essentiel pour le changement de narration autour de l’Europe. Vous êtes le premier président à ce poste à subir une motion de censure, après seulement un mois d’exercice. Pourriez-vous expliquer maintenant, précisément, les dispositions que vous allez prendre après les révélations LuxLeaks, pour éviter l’évasion fiscale ?
Agiriez-vous de même, si vous aviez la possibilité de revenir en arrière? [M. Juncker était premier ministre du Luxembourg entre 1995 et 2013]
Oui, j'aurais fait la même chose, il fallait diversifier
notre économie, nous n'avions pas d'autre choix. Mais j'aurais examiné
avec plus d'attention ces « tax rulings », j'aurais changé la loi pour
que le ministre des finances puisse en être informé. Ce que la loi luxembourgeoise ne permet pas.-
Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Correspondante à Bruxelles Suivre Aller sur la page de ce journaliste Suivre ce journaliste sur twitter
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