jeudi 27 novembre 2014

Juncker se défend sur LuxLeaks : « Nous n’avions pas le choix, il fallait diversifier notre économie »

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Jean-Claude Juncker, le 26 novembre.

Un mois après son entrée en fonctions, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déjà affronté une motion de censure – à la suite des révélations Luxleaks − fait une des annonces les plus importantes de sa mandature (le plan d'investissement sur trois ans à 315 milliards d'euros) et dû prendre des décisions difficiles concernant les projets de budgets 2015 – notamment donner un délai supplémentaire à Paris et à Rome pour laisser aux gouvernements le temps de mettre en place les réformes engagées. Rencontré cette semaine à Strasbourg, en marge de la plénière du Parlement européen, M. Juncker revient sur sa méthode.

La Commission a annoncé, vendredi 28 novembre, qu’elle donne jusqu’au printemps prochain à la France pour mettre en œuvre ses réformes avant d’envisager des mesures correctives sur son budget 2015. Idem pour l’Italie. Pourquoi ces pays ne sont-ils pas sanctionnés tout de suite alors qu’ils ne sont clairement pas dans les clous du pacte de stabilité et de croissance?
J'ai fait le choix de ne pas sanctionner. Cela aurait été facile : on a des règles, on les applique et s' il y a une violation des règles, on impose une sanction. J'ai fait un autre choix en accord avec le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis [chargé de l’euro], et le commissaire Pierre Moscovisci [au portefeuille de l’économie]. Celui de laisser les gouvernements s’expliquer eux-mêmes.
Notre avis sur leur situation budgétaire n’est pas franchement amical. Notre décision finale est décalée à mars-avril 2015. Nous attendons l'exécution définitive des comptes publics. Nous aurons alors les prévisions du dernier trimestre 2014, en plus des prévisions d'automne pour émettre un jugement adéquat.
Vous verrez que dans les mois qui viennent la France et l'Italie prendront un nombre important de mesures. Il ne s'agit pas seulement de promesses. J'ai insisté dans mes conversations avec les dirigeants − j'en ai eu plusieurs ces six dernières semaines avec le président François Hollande et Matteo Renzi − afin d’avoir un calendrier clair sur la politique qu'ils ont l'intention de mener : quand les réformes seront présentées en conseil des ministres, quand les parlements seront supposés les adopter.
La Commission a t-elle changé ? Accorde-t-elle plus de confiance aux pays?
Je n'ai pas indiqué à la France, la Belgique ou l'Allemagne, ce qu'ils ont à faire. C'est à eux de me le dire, de prendre l'initiative. Les pays n'aiment pas cette leçon qui leur vient de Bruxelles. C'est une manière plus respectueuse d'agir avec eux. Quand vous êtes président de la Commission ou du conseil européen, vous devez être à l’écoute, comprendre ce qu'il se passe dans les pays, avoir une idée claire de la réaction possible des parlements nationaux et des conséquences sur les opinions publiques nationales.
Votre plan d’investissement européen à 315 milliards d’euros, annoncé mercredi, est censé être l’un des trois piliers de votre politique, avec les réformes structurelles et la discipline budgétaire. N’êtes-vous pas déçu que les Etats n’aient pas contribué [l’argent devrait venir essentiellement du privé]?
On ne peut pas dépenser l'argent qu'on n'a pas. On a pris celui qui était disponible [des garanties du budget européen, à hauteur de 16 milliards d’euros, et un apport de 5 milliards de la Banque européenne d’investissement]. Si j’avais demandé plus d’argent du budget de l’Union, au-delà des marges et des plafonds connus, j’aurais eu besoin de l’unanimité au conseil européen [les Etats]. Si j'avais demandé de l'argent hors des budgets, par exemple dans le Mécanisme européen de stabilité [mis en place pour sauver des Etats en faillite], il aurait fallu changer les traités. Il était important de commencer aussi vite que possible, je ne voulais pas perdre mon temps et mon énergie à négocier avec des ministres des finances et des premiers ministres.
Est-ce que ce plan va suffire pour rendre l’Europe plus attractive?
Il y a de bonnes raisons économiques pour expliquer le manque d'investissement en Europe. Mais il y a aussi l'atmosphère dont nous devons tenir compte. Si nous parlons constamment de déficits, de dettes, de risque de sanctions, c'est un véritable poison pour les opinions publiques. J'ai décidé de lancer le plan d'investissement aussi pour cela, pour changer la manière dont on parle de l'Europe.

La confiance dans la Commission est aussi un élément essentiel pour le changement de narration autour de l’Europe. Vous êtes le premier président à ce poste à subir une motion de censure, après seulement un mois d’exercice. Pourriez-vous expliquer maintenant, précisément, les dispositions que vous allez prendre après les révélations LuxLeaks, pour éviter l’évasion fiscale ?
Mon intime conviction est que le pays du profit doit être le pays de la taxation, c'est un principe général et de bon sens. Ce principe n'est pas appliqué, mais on va faire des propositions dans cette direction. Par ailleurs, au nom de la Commission, nous soutenons la taxe sur les transactions financières. Et le commissaire Moscovici va préparer pendant le prochain semestre une directive sur l'échange automatique d'information sur les « taxes ruling ». J'étais surpris lors du dernier G20 [à Brisbane, mi novembre] : les chefs d'Etat n'étaient pas si enthousiastes à cette idée. Seuls les Allemands, les Français, les Espagnols et les Italiens soutenaient cette proposition ainsi que le président de la Corée du Sud... Et au G20, le sujet n'était pas mentionné dans les premières propositions de déclaration finale du sommet, nous avons protesté et le sujet a été mis à l'ordre du jour. Puis nous avons abouti à une phrase demandant plus de transparence mais ce n'est pas la formulation que j'avais demandé au départ.
Agiriez-vous de même, si vous aviez la possibilité de revenir en arrière? [M. Juncker était premier ministre du Luxembourg entre 1995 et 2013]
Oui, j'aurais fait la même chose, il fallait diversifier notre économie, nous n'avions pas d'autre choix. Mais j'aurais examiné avec plus d'attention ces « tax rulings », j'aurais changé la loi pour que le ministre des finances puisse en être informé. Ce que la loi luxembourgeoise ne permet pas.

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mardi 25 novembre 2014

Après le non-lieu de Ferguson, quelles suites judiciaires ?

Le Monde.fr | | Par
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Un jeune homme marche à côté d'un immeuble en feu, le 25 novembre à Ferguson.

Ferguson s'embrase à nouveau depuis que la ville du Missouri, dans la banlieue de Saint-Louis, aux Etats-Unis, a appris, lundi 24 novembre, que Darren Wilson, le policier incriminé dans le meurtre, le 9 août, de Michael Brown, ne sera pas poursuivi après un non-lieu prononcé par un grand jury. Pour autant, l'affaire Ferguson est loin d'être close.

Comment s'est prononcé le grand jury ?

Comme le définit le Sénat, le grand jury est une institution au sein d'un tribunal américain qui « établit l'acte d'accusation », c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de mener une procédure officielle pour déterminer si des accusations criminelles doivent être portées. Ainsi, le grand jury décide s'il y aura ou non une enquête et un procès. Il peut compter jusqu'à 23 jurés. Cette procédure est spécifique aux Etats-Unis.
Dans le cas de Ferguson, le grand jury du tribunal de Clayton qui a examiné l'affaire était composé de douze jurés, qui se sont réunis pendant 25 jours à partir du 20 août. Tous les membres ont été présents à chaque séance et ont entendu tous les témoignages, précise Reuters. Au total, une soixantaine de témoins ont été écoutés, pendant plus de 70 heures.
Le grand jury a également visionné des heures d'enregistrements et a examiné des centaines de photographies. Son rôle, comme le rappelle le New York Times, n'était pas de déterminer si Darren Wilson était coupable, mais de juger s'il y avait des preuves suffisantes pour justifier des poursuites.
Le parquet avait demandé aux jurés d'examiner cinq possibilités d'inculpation, relatives à différents types d'homicide, y compris l'homicide involontaire. Le jury a finalement rendu sa décision, lundi 24 novembre, jugeant  « qu'il n'y avait pas de raison suffisante d'intenter des poursuites contre l'officier Wilson ». 
>> Lire : Mort de Michael Brown : 4 raisons qui ont conduit au non-lieu du policier

Le procureur du comté chargé de l'affaire, Robert McCulloch, n'a pas dit si la décision avait été unanime, rappelant que les réunions des grands jurys étaient secrètes. Cette décision de ne pas traduire en justice l'officier était relativement attendue. Mi-octobre, plusieurs fuites parues dans la presse américaine évoquaient l'absence d'éléments probants pour poursuivre Darren Wilson.
La police bloque une rue pour éviter le passage des émeutiers, le 25 novembre 2014
 >> Lire aussi l'analyse : Les fractures de Ferguson

Une enquête fédérale en cours

Si le grand jury a décidé de ne pas poursuivre M. Wilson, il n'est pas tiré d'affaire pour autant. Les Etats-Unis, Etat fédéral, disposent d'un double niveau de juridiction : celle de l'Etat, ici le Missouri, et celle de l'Etat fédéral. Le procureur général des Etats-Unis (ministre de la justice), Eric Holder, a rappelé que l'enquête fédérale se poursuivait. « Elle est indépendante de l'enquête locale depuis le début et le restera », a-t-il déclaré, assurant que les autorités fédérales se garderaient de tirer des « conclusions hâtives ».
Selon CBS News, le FBI et le ministère de la justice continuent d'enquêter spécifiquement sur l'affaire, et s'interrogent sur la violation des droits de Michael Brown. « C'est l'unique objectif des avocats du ministère de la justice : déterminer si oui ou non, on peut montrer que Wilson a délibérement privé Brown de ses droits civiques », précise CBS News.
Et la tâche n'est pas aisée, eu égard à la grande marge de liberté allouée aux officiers de police quant à l'utilisation de la force, relève CBS News. En outre, pour que des poursuites soient engagées, les preuves présentées doivent répondre à un ensemble de critères rigoureux, ce qui entrave également le travail des enquêteurs.
La chaîne américaine cite notamment le cas d'Amadou Diallo, un jeune homme de 23 ans tué par 43 balles à New York en 1999 alors qu'il n'était pas armé, en concluant que l'enquête fédérale n'avait pas été en mesure de déterminer la culpabilité des quatre policiers qui ont causé sa mort.
Le ministère de la justice n'a pas annoncé d'échéance pour cette enquête fédérale, mais M. Holder, dont la démission a été annoncée en septembre, a précisé qu'il attendrait la conclusion de cette affaire avant de quitter son poste.
Le ministre de la justice Eric Holder s'exprime à propos de la mort de Michael Brown, le 4 septembre 2014.

Quel sort pour Darren Wilson ?

« Techniquement, l'officier de 28 ans devrait retrouver son poste à la police de Ferguson, avance CNN. Mais beaucoup pensent qu'il ne sera plus jamais policier. »
En théorie, si Darren Wilson n'est pas inculpé d'acte criminel, il a légalement le droit de retourner travailler, renchérit NBC News. Toutefois, le chef de la police de Ferguson, Tom Jackson, a déjà précisé qu'un retour sous l'uniforme n'aurait pas lieu avant une enquête interne préalable.
Un professeur de droit interrogé par NBC News explique également que l'Etat du Missouri peut révoquer son statut de policier. D'ailleurs, comme c'est le cas dans 43 Etats américains, la révocation de statut peut être effective même si le policier n'est reconnu coupable d'aucun crime.
Dans tous les cas, il serait absurde que Darren Wilson retourne à Ferguson, estime un spécialiste juridique sur CNN, arguant qu'il aura « toujours l'image du policier qui a tué un jeune garçon noir et suscité une controverse nationale ».
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